« Je ne pensais pas que la pauvreté pouvait être si « petite ». Je pensais qu’on allait plus parler des pays et de la vie en Afrique »
Après avoir quitté l’école il y a six mois, je me retrouve un mardi matin, le 14 novembre pour être précise, à nouveau entourée d’élèves. Cependant cette fois-ci je ne suis pas venue pour aller à l’école mais pour aider Céline et Magali à faire un atelier avec des futurs animateurs. Il y a une vingtaine d’associations de jeunesse présentes qui vont animer cette journée centrée sur l’éducation permanente dont nous, ATD Quart Monde. Notre rôle, c’est de faire découvrir aux participants des outils pour apprendre d’une façon non scolaire, et en même temps de les sensibiliser à l’exclusion liée à la pauvreté.
Le début n’est pas simple : après avoir demandé si quelqu’un connaissait ATD Quart Monde, on découvre que personne ne connaît.
« Et pourquoi est-ce que vous avez choisi cet atelier ? » Chacun regarde les autres, finalement un garçon dit : « Je voulais être avec lui » en indiquant son copain. On passe alors à la deuxième question : Est-ce que tout le monde veut être animateur après ? La grande majorité dit que non. Magali et Céline m’avaient déjà prévenue que cela pourrait arriver. Quand même je me demande : on fait un atelier pour des futurs animateurs qui ne veulent pas être animateurs, qu’est-ce que va donner cette journée ?
« Ça (l’exclusion) touche tout l’entourage et pas qu’une personne »
C’est « la force du cercle » qui rend les participants premièrement très actif. Dans ce jeu, tout le monde tire un petit bout de papier et doit se regrouper par couleur, soit rouge soit vert. Seulement, une seule personne tire le rouge.
On demande à ceux qui ont la couleur verte de former un cercle. La personne avec le rouge reste dehors du cercle, sa mission est d’entrer dans le cercle.
Tout de suite le jeu prend un tour athlétique : celui qui se trouve dehors attaque les gens dans le cercle. Il faut dire plusieurs fois qu’on ne veut pas avoir des blessés. C’est étonnant. De la même façon une participante qui est en dehors du cercle ne s’adresse qu’à nous, en disant : « j’y arrive pas, je ne peux pas entrer.»
Il n’y a aucune communication verbale entre la personne exclue et le groupe. Alors que les exclus et le groupe du cercle trouvent vite les mots pour décrire leur sentiment pendant le jeu, ça leur prend du temps de découvrir qu’il y a une façon non violente pour essayer d’entrer dans le cercle.
Alors que la personne exclue ne ressent que des émotions négatives, par exemple le rejet et la solitude, les émotions dans le groupe sont divisées. Il y a d’un côté de la pitié – ils se sentent mal pour la personne qui ne sait pas entrer. Néanmoins, de l’autre côté, ils se sentent forts, ils ressentent de la puissance, ils parlent d’un « esprit d’équipe », de la « solidarité ». Ce choix de mots est intéressant car pour moi la solidarité serait laisser entrer la personne exclue, mais pour eux c’est aussi solidaire de ne pas la laisser entrer, car on a promis aux autres de ne pas la laisser entrer, on sait qu’on peut faire confiance aux autres.
« Ça permet d’échanger sur un sujet délicat qu’on vit au quotidien. Ça sert à nous positionner »
Toutefois notre jeu a permis a permis aux jeunes d’être actifs et pendant le jeu suivant, la « rivière du doute », ils ont même des difficultés à ne pas se couper la parole. On discute la phrase « Chacun est responsable de l’exclusion » . D’abord, il faut prendre position, soit pour, soit contre, et après les deux équipes se font face. Une équipe commence alors par donner un argument et l’autre peut réagir.
Mais il n’y a qu’une personne de l’équipe qui a le droit d’expliquer un argument, après c’est au tour de l’autre équipe de réagir. En plus, chacun a seulement la possibilité de présenter un argument une fois.
C’est une chouette manière de donner la parole à tout le monde. Et aussi d’apprendre à écouter les autres, bien que cela ne soit pas facile comme un participant dit, car il n’y pas de bonnes ou mauvaises réponses.
Finalement les participants semblent partir avec beaucoup de nouvelles questions et plein de nouvelles réflexions comme celle-ci : «J’ai appris que la pauvreté ne se résumait pas juste au manque d’argent mais au rejet des personnes qui sont concernées dans la société.»
Écrit par Josefina Leisle