La bibliothèque de rue du square Apollo à Schaerbeek a vu le jour en automne 2017 à la suite d’une exploration menée par ATD Quart Monde en Belgique. Cette place au pied de deux immeubles, pourvue d’une petite plaine de jeux, semblait réunir plusieurs facteurs intéressants : habitat social, nœud à l’intersection de plusieurs rues à la population variée, lieu de passage propice à la mixité, présence de parents amenant leurs enfants pour jouer. Retour sur deux ans et demi à Helmet.
Un parcours de rencontres et de recherche pour en nouer
Trois alliées, accompagnées ponctuellement de renforts de passage, s’y rendent tous les samedis matin. Après des débuts mitigés, à attribuer aux saisons moins ensoleillées, la participation à l’inauguration de la place rénovée au printemps 2018 laisse croire à la possibilité de liens avec les structures du quartier, dont une AMO et une association d’aide aux devoirs. L’incompatibilité des horaires des salariés du secteur social et des disponibilités des bénévoles ne permet cependant pas de les nouer.
Kamishibaï, atlas illustré et crayons
Suivent quelques séances animées avec des enfants nouvellement rencontrés, autour de livres mettant en scène des monstres, ou de lectures collectives et participatives de kamishibaïs. Le kamishibaï est une sorte de livre dont on fait défiler les pages illustrées dans un castelet en bois. Un projet de réalisation de kamishibaï germe. Mais après l’été 2018, les fidèles de la première heure ont déménagé, d’autres s’estiment trop âgés et ne viennent plus.
Parfois, la couverture grouille d’enfants doms syriens, trop rarement cependant et sans que leur lieu de résidence soit identifié pour pouvoir aller les chercher régulièrement. Ils semblent pourtant être de ceux vers lesquels on voudrait aller. Un atlas illustré favorise diverses conversations autour des pays d’où l’on vient – Pologne, Mexique et France pour les animatrices, Maroc, Bulgarie, Pologne, Rwanda, Turquie ou Syrie pour les enfants – ou que l’on a traversés ou habités en chemin vers la Belgique (Italie, Espagne, Allemagne) ; cela permet d’échanger avec quelques parents, tout comme un dictionnaire imagé.
Les enfants aiment aussi trouver crayons et feuilles de papier. Un jour, un garçon dessine une grande maison et nous explique : « C’est une maison pour les pauvres. Il n’y a pas grand-chose dedans, mais les gens peuvent manger à leur faim : du poulet et des légumes du jardin. Et ils y sont heureux. »
Un bilan
Mais la fréquentation baisse. Le constat s’impose que peu d’enfants habitent les immeubles : ceux qui en sortent sont en visite chez leur grand-mère. À la rentrée scolaire 2019, un changement d’horaire au samedi après-midi ne tient pas ses promesses : septembre passé, la place reprend des allures de désert, et une fratrie d’habitués s’en va au profit de cours d’arabe. Les quelques enfants qui viennent encore sont plutôt de classe moyenne, et une confusion avec l’école des devoirs s’installe.
Malgré l’énergie déployée, les interrogations s’accumulent – faut-il entreprendre de nouvelles actions ou accepter un bilan qui s’impose ? En concertation avec les responsables de l’équipe jeunesse, la décision est prise d’arrêter. La dernière séance est annoncée pour le 21 mars 2020 – c’était sans compter sur le coronavirus et le confinement… Elle a finalement lieu le 13 juin – en compagnie de plusieurs enfants roms inconnus jusqu’alors et en l’absence des quelques habitués…
Alors que pointait parmi eux une possible relève ?! Un garçon nous a en effet un jour énuméré quelques-uns des 50 métiers qu’il compte exercer : cuisinier au Quick, vendeur chez Maxi Toys et La Grande Récré, maître-nageur à l’Hôtel Connexion, au Rwanda, « où on m’applaudira quand je sauverai des gens de la noyade. Et puis à 50 ans, je prendrai ma retraite et je reviendrai square Apollo pour animer une bibliothèque de rue ! »
Pour l’heure, deux personnes de l’équipe explorent Bruxelles en quête d’autres lieux possibles où poser couvertures et livres et où nouer de nouveaux liens.
Par Agathe, Émilie et Karla