C’est ce que j’ai eu l’occasion de vivre durant ces trois dernières années, à ATD Quart Monde.
En effet, après un parcours déjà bien éclectique dans et en dehors de l’enseignement, j’étais à nouveau en questionnement sur le fonctionnement de l’École où je ne me sentais plus trop à ma place.
Aimant les défis et surtout ayant envie de redonner un peu de sens à mon travail, j’ai donc cherché un poste de détachée pédagogique pour souffler, prendre l’air, sortir de ce système parfois écrasant et surtout vivre une nouvelle aventure où je pourrais à la fois partager mes compétences tout en découvrant de nouvelles idées…
Je suis donc arrivée ici à ATD Quart Monde en septembre 2015 et c’est bien plus qu’une simple Organisation de Jeunesse (OJ) que j’ai découvert durant ces trois ans.
Dès le début, j’ai été « lâchée » sur le terrain pour aller à la rencontre de ces personnes qui vivent ou ont vécu la pauvreté et l’exclusion et qui en ont donc une expérience qu’ils peuvent partager mieux que n’importe qui. On a tendance à vite juger, critiquer ces personnes en disant d’elles qu’elles ne viennent jamais à l’école, qu’elles s’en foutent, etc. Or, ce qui fait la richesse de ce mouvement, c’est que ces personnes ont une place dans les réunions, les projets, les actions, bref, ils sont vraiment acteurs de ce mouvement !
Ce fut notamment le cas dans le projet autour de l’école* que j’ai rejoint dès le début de mon engagement. Lors des différentes rencontres de ce projet, j’ai été particulièrement touchée par tout ce que ces parents et ces jeunes nous partageaient de leur vécu de l’école : honte, rejet, humiliation. A côté de cela, ils ont envie que les choses changent et sont prêts à se battre pour que cela bouge pour que tous les enfants, les leurs bien sûr mais aussi tous les autres et principalement ceux dont l’école est la plus éloignée, réussissent vraiment !
Une deuxième action dans laquelle j’ai été plongée est la Bibliothèque de Rue (BDR), une des actions qu’ATD met en place pour aller à la rencontre des personnes qui vivent la pauvreté tout en favorisant l’accès à la lecture. Tout était nouveau pour moi et là aussi, j’ai découvert et appris que pour entrer en contact avec des personnes qui vivent la pauvreté et l’exclusion, cela demande beaucoup de temps et de confiance. C’est un travail dans la durée. Il ne suffit pas de s’installer dehors avec des livres pour qu’elles viennent près de nous. C’est petit à petit, au fil du temps, grâce à notre régularité et à notre visibilité qu’une relation s’installe. Les gens nous reconnaissent, nous disent bonjour. Et petit à petit, certains osent s’approcher.
J’y ai aussi appris l’importance du beau : un bel environnement, un beau cadre, du beau matériel, des beaux livres. Ce n’est pas parce que nous sommes dans la rue et que nous essayons d’amener le livre dans les familles qui n’en ont pas forcément les moyens, que nous pouvons nous permettre d’apporter des vieux livres dont plus personne ne veut.
Toutes ces rencontres, ces expériences m’ont permis de mener à bien ma troisième mission à savoir les animations dans les écoles.
Au début, ce n’était pas toujours évident pour moi de rebondir sur les questions très précises liées à la pauvreté car effectivement, les meilleures personnes pour en parler sont celles qui ont en ont l’expérience, comme expliqué plus haut, mais au fur et à mesure, je pouvais de plus en plus partager la parole des jeunes et des parents dont j’avais été témoin.
Ce qui est aussi particulier et intéressant, c’est que nous construisons à chaque fois l’animation en fonction des demandes de l’école. Le plus important pour nous est d’amener chacune et chacun à se laisser bousculer pour en repartir avec de nouvelles questions sur ces thèmes – pauvreté, exclusion, préjugés, dignité – pas toujours évidents à partager.
Ce détachement touche à sa fin pour moi. Et pourtant, ce n’est finalement pour moi que le début d’une nouvelle mission qui va commencer maintenant : partager et transmettre tout ce que j’ai appris ici à ATD autour de moi, auprès de ma famille, mes amis, en tant que citoyenne mais aussi et surtout auprès de mes futur·e·s nouveaux·elles collègues et dans le monde de l’enseignement en général en tant que professionnelle. Un vrai et beau défi en perspective…
Merci à chacune et chacun pour ces trois années inoubliables !
* En tant qu’enseignant·e nommé·e dans une école/un PO, l’opportunité de sortir de sa classe pour une durée déterminée est offerte dans le cadre de ce qu’on appelle un « détachement pédagogique ». En savoir plus.
* Le projet « Nos ambitions pour l’école » : construit pendant 3 ans par une concertation « en croisement des savoirs » avec des parents et des jeunes qui vivent ou ont vécu la pauvreté, des professeurs et des travailleurs d’ATD et de Cgé, a pour but d’agir et faire changer l’école et d’en faire réellement l’école de la réussite de tous en identifiant les objectifs prioritaires et les actions pour y arriver. Ce projet a abouti à la réalisation du livret « Pour une école où tous réussissent » (en libre accès).
Article écrit par Céline, détachée pédagogique de 2015 à 2018.